Non-assistance à humanité en danger_Corinne Lepage
Corinne Lepage - 17/12/07
http://corinnelepage.hautetfort.com/archive/2007/12/17/non-assistance-a-humanite-en-danger.html
Les peuples de la Terre peuvent aujourd'hui accuser les
gouvernants participants à la conférence de Bali , en fait, plus précisément
ceux qui ont délibérément torpillé tout accord permettant de prendre date, sur des bases chiffrées , en
vue d'un accord à Copenhague en 2009 prenant la suite de l'accord de Kyoto. Ce
qui vient de se passer apparaîtra très certainement dans les années qui
viennent comme une preuve supplémentaire de l'égoïsme et de la cécité de ceux
qui ont décidé de l'avenir du monde en
fonction de leurs intérêts propres et immédiats. En effet, les dernières
conclusions du GIEC, qui pour la première fois parlent d'irréversibilité, les
constatations d'ordre scientifique sur l'évolution du Groenland ou de
l'Arctique, l'accumulation des preuves du changement climatique et du risque
qu'il fait courir à l'humanité, permettant aujourd'hui de parler en ce qui
concerne cette question d'application du principe de prévention et même plus du
principe de précaution, les messages de détresse lancés par les populations de
Papouasie et d'autres iles qui constituent les premiers réfugiés climatiques et
qui ne peuvent déjà plus se nourrir normalement n'auraient pas dû laisser le
moindre choix aux responsables réunis à Bali. Or, malgré les efforts du
secrétaire général de l'ONU, malgré la position unitaire et ferme de l'Europe,
cette réunion a accouché d'une demie souris. La seule avancée réelle concerne
l'avancée du projet Reed dont l'objectif est de financer les pays du Sud pour qu'ils conservent leurs forêts ou reboisent .Il faut rappeler
que la déforestation représente 27 % du total des émissions de CO2, soit plus
que le transport et que la valeur de la forêt n'est pas seulement d'ordre
écologique entame de séquestration de carbone mais également le lieu majeur de
la biodiversité est un lieu de vie essentielle. La banque mondiale a consacré
208 millions d'euros à des projets pilote de surveillance ce qui est loin des 5
milliards de dollars auquel Nicolas Stern évaluait les moyens nécessaires à
mettre en place. Une seconde avancée , plus modeste,consiste en la mise en
place d'un fonds d'adaptation, sous la tutelle du fonds mondial pour
l'environnement, destiné à financer des transferts de technologie. Pour le reste, l'obstruction américaine a
plombé tout accord ce qui conduit à s'interroger sur le point de savoir qui
gouverne vraiment le monde et quelles solutions on pourrait proposer pour
mettre un terme au crime de non-assistance à humanité en danger.
Le blocage de George Bush sur le sujet du climat, contraire
à la position de la Cour Suprême, mais qui trouve bien évidemment sa source
dans la volonté de certaines sociétés pétrolières est un point central. Rappelons
qu'Exxon a financé depuis des années le lobby de « la machine à nier »,
instrumentalisant des centaines de centres de recherche et d'association plus
ou moins bidons dont l'objectif était identique : faire du changement climatique une hypothèse et non un fait.
La proposition d'Al Gore de conclure un accord en laissant de côté les
États-Unis avec comme objectif probable de stigmatiser cette attitude
inadmissible mais ne permettait pas de faire réellement avancer la position
internationale. En effet, les États-Unis ne sont pas seuls, malheureusement. Le
Canada et l'Australie soutiennent une position très proche, pour des raisons
d'intérêt économique immédiat cependant que les pays pétroliers et leurs alliés
traditionnels ont toujours pris la position la plus favorable à l'or noir. Or,
si l'on se place au niveau des résultats concrets, un accord a certes été
trouvé mais sur la base de la position la plus faible c'est-à-dire celle qui ne
contient aucun engagement précis. Lorsqu'on en est en effet à refuser de faire
figurer les conclusions du GIEC autrement qu'en note de bas de page, pour être
certain qu'aucun engagement concernant
une réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en 2020 pour les
pays industrialisés et de 50 % pour le monde entier en 2050 ne soient pris, il
est clair que l'on est en présence d'un déni de réalité voire d'un cynisme
poussé à l'extrême qui conduit a accepter, de mettre en péril ses propres
enfants pour être certain de pouvoir soi-même accroître encore son propre confort.
Ce comportement est la négation même du politique dont la
fonction , si elle existe, consiste précisément à organiser la vie de la cité
pour lui permettre la pérennité. Cela signifie que la politique, au niveau
international n'a strictement plus aucun sens, en ce qui concerne au moins un
des périls majeurs qui menacent l'humanité. Cela signifie que les représentants
des terriens, élus ou autoproclamés pour certains, font des choix qui
s'inscrivent délibérément à l'encontre des intérêts premiers des populations
qu'ils sont censés représentés. Cela signifie par conséquent que la
représentation actuelle de la société internationale ne peut plus prétendre
représenter les intérêts des femmes et des hommes présents et à venir, mais
s'est soumise à d'autres maîtres du monde dont on se pose parfois la question
de savoir s'ils ont encore conscience d'être des humains.
Dès lors c'est bien la question de la gouvernance mondiale
lorsqu'il s'agit de questions planétaires qui intéressent tous les humains
comme la question climatique qui est en cause. La faiblesse du conseil de
sécurité de l'ONU est difficilement supportable lorsqu'il s'agit de guerre et
de massacres impliquant des milliers, voire des centaines de milliers de
personnes. Mais, elle ne l'est plus du tout lorsqu'il s'agit de la survie de
l'humanité dans son ensemble. Cela signifie donc que c'est à la société civile
de prendre son destin en main puisque
ses responsables politiques ne sont pas capables de le faire pour elle.. Ce
sont aux milliers d'associations de défense de l'environnement, de
développement, de consommateurs, voire aux syndicats professionnels et au monde économique et financier dans la
partie qui est demanderesse à une véritable révolution pour permettre la
réorientation de l'économie, de s'organiser pour imposer le changement qui nous
est refusé. Nous avons l'ardente obligation de refuser l'attitude suicidaire
que quelques dirigeants ont décidé d'adopter. A la non assistance à humanité en
danger, nous devons répondre par la mobilisation de toutes les consciences et les volontés humaines