sur les sentes bordées de bruyère
J’allais pénétrer les secrets de l’île en compagnie, je n’en doutais pas, d’une divinité maritime.
Elle déposa la branche et le sac de coquillages au bord d’une allée bien ratissée qui avait surgi perpendiculairement à notre trajet. Puis nous repartîmes sur les sentes bordées de bruyère, de genêt, d’ajoncs et de fougères. Elle me fit faire le tour de l’île, ce qui prit deux bonnes heures, d’une marche rapide entrecoupée d’escalades et de courtes haltes au sommet des rochers.
Pendant toute cette randonnée matinale, îlienne et imprévue, sur un territoire que j’avais cru pouvoir m’approprier et qui était en partie le sien, j’écoutais cette nouvelle amie me parler d’elle-même, de son travail, de ses amis et surtout de son père. Car elle y revenait sans cesse et je compris peu à peu qu’il était à la fois un père affectueux, un homme passionné, un artiste talentueux et l’âme véritable de l’île. J’appris aussi qu’elle était la fille de sa troisième femme et qu’il s’était marié une quatrième fois, assez récemment, mais qu’il venaient de divorcer. Mais dans l’instant je croyais que les dissensions conjugales d’un vieil homme inconnu ne m’intéressaient absolument pas et je m’étonnerais un peu plus tard qu’elles me reviennent si vivement en mémoire.
“Nous avons presque bouclé le tour de l’île, me dit-elle en s’arrêtant soudain. Il te reste maintenant à voir l’essentiel : mon père ! Dis-toi bien que ce que tu vas découvrir à présent, seuls nos amis intimes et quelques touristes égarés ont pu le voir. C’est l’idée de papa. Autrement dit, si tu entres ici, tu pénètres son âme.
– Et à quelle catégorie j’appartiens ?
– Tu es une touriste égarée bien-entendu !”
Elle me tutoyait déjà, au bout de deux heures, alors qu’il me faudrait presque deux ans avant d’accepter que je pouvais aussi me le permettre. Malgré sa simplicité d’attitude et de langage, je restais impressionnée par toute la noblesse qui se dégageait d’elle.
J’allais donc rencontrer Nicolas. J’étais attentive au moindre signe.